Interview
Marc Márquez
– Locked down.
Voilà une saison bien étrange, Marc. Après un long confinement en Espagne, tu es actuellement blessé et tu ne peux pas participer à la compétition ni t’entraîner comme tu le souhaiterais. Comment fais-tu pour garder ton calme et ne pas disjoncter ?
"2020 est effectivement une année très difficile en raison de cette pandémie qui a eu un impact énorme sur la vie de chacun, et nous, les athlètes, n’y avons pas fait exception. Rester confiné à la maison pendant plus de deux mois a été un vrai défi, mais comme nous savions qu’il n’y avait pas d’autre choix, nous nous sommes adaptés à cette situation bizarre du mieux que nous pouvions et je crois que nous l’avons plutôt bien gérée. J’ai passé beaucoup de temps avec mon frère à jouer à la PlayStation, à faire du vélo d’intérieur et à regarder des séries. Cette période de repos a également été utile pour permettre à mon épaule de se remettre complètement de l’opération que j’ai subie fin 2019. La problématique liée à ma blessure à l’humérus et à ma double opération a été plus difficile. Dans un contexte où le Championnat avait déjà commencé, j’ai ressenti une énorme frustration de ne pas pouvoir piloter."
"J’ai dû accepter de ne pas être en mesure de disputer le Championnat cette année et d’être obligé de me concentrer sur mon rétablissement. Je pense qu’il est très important de rester positif dans les moments pénibles et c’est ce que j’essaie de faire en permanence."
Ton frère, qui est dans ton équipe, continue de participer à la compétition. Ça doit être dur pour toi ou est-ce que tu apprécies au contraire d’avoir le temps de regarder ses courses à la télé ?
"Bien sûr, j’aime beaucoup regarder mon frère courir en MotoGP et je peux vous dire que je n’ai pas manqué un seul de ses entraînements depuis ma deuxième opération et suivi les temps au tour et les performances d’Alex. Je n’ai pas l’habitude de vivre les courses de cette manière, mais j’ai quand même plaisir à les regarder à la maison avec mes amis et ma famille !"
C’est exceptionnel de voir deux frères en MotoGP et de surcroît dans la même équipe. Est-ce que tu perçois Alex comme un adversaire ou plutôt comme un jeune frère que tu as envie de soutenir ?
"Lorsque nous ne participons pas ensemble à une course, j’essaie de le soutenir autant que possible. Mais les weekends de compétition, je me concentre sur mon travail et lui sur le sien. Jusqu’à présent, nous ne nous sommes jamais battus pour les mêmes trophées et ne nous sommes jamais rencontrés sur la piste dans la même course.
Ça me ferait certainement très drôle de me bagarrer avec lui pour la victoire, même si j’espère que ça arrivera un jour."
Comment ton frère te soutient-il pendant cette pause suite à ta blessure ?
"Il a déjà connu cette situation lui-même et il sait donc parfaitement ce que je ressens. Il sait aussi exactement comment me faire rire et cela aide énormément quand on se sent mal."
Apparemment, vous vous entraînez très souvent ensemble. Y a-t-il toujours un esprit de concurrence entre ton frère et toi pendant ces entraînements ?
"Bien sûr ! Nous avons toujours été en concurrence. Depuis notre enfance. Et c’est quelque chose qui se perpétue, mais de façon amicale quand nous nous entraînons sur une moto ou pendant nos séances de gym, et même sur la PlayStation."
Tu es devenu très célèbre dès ton plus jeune âge. Regrettes-tu parfois de ne pas avoir grandi comme un adolescent normal ?
"Non, jamais je n’ai regretté la vie que je mène. Je me considère comme très chanceux d’avoir pu faire de ma passion mon métier. Devenir pilote professionnel à l’adolescence a bien sûr des avantages et des inconvénients et je sais que j’ai manqué de grands événements, de grands moments avec mes amis et ma famille, mais j’ai aussi vécu des expériences incroyables pendant les Grand Prix."
Nous savons tous qui tu admirais à tes débuts. Qui est ton modèle en ce moment ? Je veux dire pas forcément dans le domaine des courses de motos uniquement.
"Il y a beaucoup de pilotes que j’ai admirés, même si j’essaie de ne pas apprendre seulement des pilotes les plus expérimentés, mais aussi de la nouvelle génération. Pour ce qui est du sport en général, Rafa Nadal et Leo Messi sont deux de mes idoles. Ce que j’aime, chez eux, c’est qu’ils continuent à s’améliorer, constamment. Quand tu les regardes jouer, tu penses qu’il est impossible d’améliorer encore leurs performances, et puis juste après, ils franchissent un palier de plus et marquent un but encore plus beau ou gagnent un point au bout d’un échange encore plus grandiose. C’est ça que j’essaie de reproduire, pour continuer à progresser chaque année."
Tu soutiens l’Allianz Junior Motor Camp, ce qui paraît te tenir tout particulièrement à cœur. De manière générale, il semble que tu aimes beaucoup travailler avec des enfants. Est-ce parce que tu te sens encore parfois toi-même comme un enfant ?
"Non, je ne me sens pas comme un enfant, mais l’enfance est encore très présente en moi et j’essaie de profiter de chaque instant. Tout comme le font les enfants. Et puis j’aime bien enseigner aux enfants de l’Allianz Junior Motor Camp parce qu’ils me rappellent l’époque où j’ai commencé à faire de la compétition. Je suis ravi de partager avec eux ce que j’ai appris au cours de ces dernières années."
Combien d’enfants penses-tu avoir dans vingt ans ?
"À vrai dire, je n’y ai pas encore réfléchi. On verra ce que la vie me réserve !"
Est-ce que tu encouragerais tes enfants à devenir pilotes de moto ?
"Je les encouragerais à faire ce qui leur plaît. Tout comme mes parents l’ont fait avec moi. Quand j’étais jeune, je voulais faire de la moto et jouer au football. À un moment donné, il m’a fallu prendre une décision parce que je ne pouvais plus concilier les deux. Mes parents ne m’ont pas poussé à choisir l’un ou l’autre, j’ai pris la décision moi-même et c’est aussi ce que je ferais avec mes enfants."
Tu es célèbre pour tes rattrapages incroyables. Tu t’y étais entraîné ou était-ce juste un heureux hasard, la première fois ?
"Les rattrapages sont des manœuvres que l’on ne peut pas à proprement parler préparer. En revanche, je m’entraîne à répéter tous les gestes qui peuvent m’aider à les réaliser. Ce n’est pas une question de force physique, mais de vitesse de réaction, de dynamisme, d’élasticité, d’équilibre, d’explosivité et de placement des mains. De plus, lors d’un Grand Prix, tu identifies les points les plus critiques du circuit et tu essaies de te préparer à affronter ces virages."
Ton entraînement en tout terrain t’aide-t-il à réaliser ces rattrapages ou n’est-ce pas comparable en raison de la différence de vitesse et de traction ?
"Je pense que toutes les catégories de sports motocyclistes que je pratique me sont utiles pour les rattrapages, mais si je devais en choisir une, je dirais le motocross. Bien que ce soit le même circuit que l’on parcourt en boucle, il varie totalement d’un tour à l’autre : des nids-de-poule et des ornières se forment à chaque tour, ce qui t’oblige à improviser un maximum et te permet d’acquérir cette vitesse de réaction si précieuse pour les rattrapages."
Après un rattrapage, tu récupères immédiatement 120 % de tes moyens. Qu’est-ce qui te passe par la tête lors de ces incidents ? As-tu conscience de frôler la catastrophe dans ces moments-là ?
"Réussir un rattrapage te procure une incroyable décharge d’adrénaline ! À cet instant, je ne pense pas au fait que j’ai failli me crasher ; ce que je fais, c’est me concentrer sur la ligne que j’ai repérée et essayer de ne pas la franchir lors du tour suivant."
Parmi tous les pilotes et les stars montantes du MotoGP, qui sera à ton avis ton principal concurrent au cours des prochaines années ?
"L’année dernière, Quartararo a réalisé une belle performance pour sa première saison et il m’a semblé être le plus fort des compétiteurs parmi les jeunes coureurs, bien qu’en 2020, jusqu’à présent, d’autres jeunes coureurs fassent eux aussi la course en tête. En effet, Miguel Oliveira et Brad Binder ont tous deux remporté des courses cette saison et j’ai été fortement impressionné par la façon dont Binder a piloté à Brno."
Comment vois-tu le futur du MotoGP dans quelques années ? Penses-tu qu’il sera électrique ? As-tu déjà essayé une moto électrique ?
"Je pense que nous continuerons à avoir des championnats très serrés, comme c’est le cas en 2020, avec beaucoup de luttes au coude à coude entre les motos, ce qui est très bon pour le spectacle ! Je ne pense pas que je vais rouler sur une moto de MotoGP électrique, mais peut-être que dans un avenir lointain, la catégorie reine sera électrique... qui sait ! J’ai essayé quelques motos électriques, y compris en tout-terrain, mais pas encore de moto de course comme celles du Championnat de MotoE."
Interview 2020
Shoei & Marc Márquez
MotoGP World Champion
2013, 2014, 2016, 2017, 2018, 2019
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